Fu Rin Ka Zan : Art et Stratégie (partie 2)
Fu : Rapide comme le Vent
La vitesse est une notion très difficile à acquérir pour un pratiquant qu’il soit débutant ou expérimenté. Elle est directement liée à sa capacité de réaction et de décision. Il lui est tout aussi nécessaire de posséder une excellente coordination ainsi qu’une une gestion très précise de son attention et de sa capacité de relâchement autant à un niveau physique que mental. Etre rapide demande donc un long apprentissage qui se révèle bien plus complexe qu’il n’y paraît au premier abord. Nous avons souvent tendance à vouloir compenser la vitesse soit par de la force, soit part des changements brutaux de rythmes souvent inadaptés à la situation. C’est une des raisons pour lesquelles l’apprentissage du Takeda Budo comporte des étapes bien précises que l’on retrouve dans les Kiso : mouvements fondamentaux, puis les Kihons (techniques de bases). Ceux-ci rebutent souvent le débutant et quelquefois les plus avancés car ils attendent une certaine efficacité en peu de leçon (ce que j’appelle le syndrome « fast food »). Il semble pourtant évident qu’avant d’apprendre à courir il faut savoir marcher, de plus l’objectif du Budo n’est pas de donner des cours de self défense où avec trois leçons vous êtes capable de vous sortir de nombreuses situations comme de nombreuse plaquette d’arts martiaux le propose à des fins commerciales.
Revenons plutôt aux Kiso et Kihons, Ces mouvements élémentaires doivent êtres d’abord intégrés puis automatisés avant de pouvoir le réaliser en augmentant la vitesse.
Il est impératif que l’apprentissage se face dans un premier temps en dehors de toute notion de résistance de la part du partenaire, et que l’utilisation de la force puisse se limiter à sa plus simple expression. Le non respect de ces règles constitue un frein réel à la progression de tout pratiquant.
L’exécution d’une technique sur le plan mécanique ne constitue qu’un des éléments d’un tout. La réaction et la décision faisant partie du mental s’avèrent primordiaux. En abordant cet aspect, je pense aux jeunes patients TDAH (Troubles Déficitaire de l’Attention avec ou sans Hyperactivité) que je reçois régulièrement en consultation dans mon cabinet. Ils n’attendent pas la fin d’une consigne, et sont déjà dans l’action (on parle alors d’impulsivité ou de déficit d’inhibition). L’une des difficultés qui ressort fréquemment chez eux, est cette faible capacité à trier ou sélectionner des informations pertinentes parmi un groupe de stimuli. C’est l’une des raisons pour laquelle il est fortement conseillé de leur donner des consignes séquencées, simples et précises, ne laissant pas ou peu de place à des interprétations multiples.
En tant que pratiquant nous avons souvent ces mêmes difficultés (qui peuvent être exagérées quelquefois par un excès d’information de la part de l’enseignant). Nous voulons tout de suite avoir une technique parfaite, et notre attention se disperse sur une multitude d’information que nous voulons corriger d’une seule fois. A l’opposée, d’autres vont partir dans une chorégraphie en apparence rapide mais sans contrôle, ni compréhension des principes fondamentaux d’une technique (attaques dans une distance irréaliste, pas de prise de déséquilibre, etc.…). Le résultat est un ralentissement à la fois technique et mental, n’apportant que peu de progrès au pratiquant.
Acquérir de la vitesse est impérativement lié à la confiance que l’on a à la fois de sa technique et de son mental. L’exercice de combat ou Shiaï, est un excellent révélateur, où sous prétexte de la situation, certains en oublient presque les fondamentaux appris précédemment. Il est nécessaire de rappeler de façon régulière que le combat n’est que l’une des situations d’apprentissage du Budo de la Takeda Ryu Kobilza Ha. Situation où techniques, vitesse et stratégies doivent pouvoir s’y exprimer de manières complémentaires.
L’image qu’utilise Sun Tzu dans sa devise pour parler de la vitesse est le vent. Dans la philosophie Taoïste (Tao = Do = La voie) l’utilisation des éléments naturels que sont l’air ou l’eau, le bois, le feu, la terre, le métal correspondent à une symbolique précise. Il est toutefois facile pour le néophyte que je suis, de pouvoir associer la puissance et l’importance du vent ou de l’air dans notre environnement vital. L’air peut s’avérer à la fois dévastateur et générateur, Il englobe tout, et peu de choses peuvent lui résister. Il fait partie intégrante de nous même, au travers de notre respiration. Et son cycle de renouvellement est directement lié à la vitesse de nos actions voir de nos pensées. Travailler la vitesse c’est aussi travailler notre respiration !
Haya ki koto kaze no gotoku: Rapide comme le Vent
Je laisse à partir d’ici le soin à chaque pratiquant de continuer sa propre réflexion en espérant que ces quelques mots lui offriront un petit support dans sa pratique.
Ph. Boutelet
洋玄源実光